Le jeudi 18 avril 2013 à 16h45

Je m’étais promis de revenir ici si d’aventure ma situation changeait.

Souvenez-vous, l’an dernier, les résultats d’admission de l’École de Journalisme de Sciences Po, c’était comme ça :

yeah you failed

Alors j’ai fait un an de master droit éco et j’ai repassé le concours en espérant très fort que cette fois-ci ça marcherait.

Eh bien, le jeudi 18 avril 2013 à 16h45, j’ai appris, alors que j’étais assise sur un banc du Jardin qui restera sacré à tout jamais, que cette année, ça avait marché. Que j’étais admise. Et tout le monde était comme ça :

haymitch approves

Et par “tout le monde”, j’entends “tous les gens formidables qui m’ont soutenue et qui ont espéré très fort avec moi”. Qui ont relu mon dossier, qui m’ont fait passer un oral blanc, qui ont rendu cette année de droit plus joyeuse et plus facile, qui m’ont écoutée parler de journalisme ad nauseam, qui m’ont quizzée sur Chávez, sur les îles Senkaku, sur Thatcher. Qui ont allumé des cierges à la Madeleine (je vous jure que c’est vrai), probablement en quantité suffisante pour que leur chaleur puisse propulser un petit moteur. Merci, merci, merci à vous tous.

Tous ceux aussi qui ont été de bon conseil, comme Morgane et Lucie (qui ont été admises l’an dernier parce qu’elles sont trop fortes), qui m’ont accompagnée jusqu’à la porte le jour J et qui étaient comme ça :

stay alive 2

Alors, si le Docteur frappait à ma porte maintenant (pour ceux qui ne connaissent pas, le Docteur, c’est le personnage éponyme de Doctor Who, et il a une super machine qui peut voyager dans le temps), et qu’il proposait de m’emmener à bord de son TARDIS, je lui demanderais de me ramener un an en arrière pour rassurer ma moi du passé. Je lui dirais : “Sèche tes larmes, ma fille, parce que tu vas y arriver. À l’heure où on se parle, tu es encore toute petite. Tu as un an pour apprendre un million de choses. Tu vas rencontrer des dizaines de personnes et vieillir de mille ans. Et ensuite ça marchera. Alors patience. Et quand ça deviendra un peu difficile, je reviendrai te voir, pour me rappeler à quel point c’est un luxe de faire ce que l’on aime.”

Pendant un an j’ai gardé cette couverture du bouquin de Joyce Carole Oates en fond d’écran.

after the wreck

“Après l’accident, je me suis relevée, j’ai déployé mes ailes, et je me suis envolée.”


Mercy’s kitchen dream

Alors voilà. Quelque chose s’est produit.

Je ne sais pas si vous vous souvenez, au début de l’année, pour marquer le départ en fanfare de mon année à Londres, mes parents m’avaient emmenée dîner dans un restaurant de Gordon Ramsay. En se payant une porte en verre par accident, mon père avait définitivement fait de cette soirée un moment culte. Par l’absolution de cette paroi en verre, Ramsay était en quelque sorte devenu la mascotte de cette année qui s’annonçait folle (et qui le fut).

Alors, pour boucler la boucle, quand il a fallu choisir un restaurant pour aller dîner ce soir (mes parents sont gentiment venus m’aider à re-déménager dans l’autre sens), on s’est dit (enfin, je me suis dit, et le reste de l’assemblée à approuvé), que ce serait sympa d’aller au Bread Street Kitchen, le dernier restaurant ouvert par Ramsay dans Londres.

Sauf que, le destin s’en est mêlé. Mes parents ont été retardés de sept bonnes heures pour une sombre histoire de mauvais carburant mis dans le réservoir de la voiture et d’un locateur de voiture qui n’avait pas de voiture à louer – du coup, j’ai du appeler le restaurant pour décaler la réservation de 8 h à 9 h. Mais finalement, on est arrivé à 20h30. Alors on est allé boire un verre au bar du restaurant en attendant notre table.

Et là, en passant le pas de la porte, alors qu’on nous indiquait où on pouvait s’asseoir, subitement, j’ai compris. La panne de bagnole, la réservation à changer, la demi-heure d’avance, tout ça, c’était le destin qui jouait avec nous pour s’assurer que nous serions bien à l’endroit X à l’instant T. Parce que rapidement, ma mère s’est penchée vers moi, et m’a dit d’un ton semi-émerveillé / semi-tendu qui semblait crier “Je vais t’annoncer quelque chose de formidable mais promets-moi de ne pas t’évanouir” : “Il est là, Gordon.”

Sans déconner, la dernière fois qu’elle avait utilisé ce ton, c’était à Miami, pour me prévenir qu’il y avait des alligators en liberté à moins de 20 mètres de nous (et qu’il fallait que j’évite de hurler de peur afin de ne pas les sortir de leur torpeur). Et effectivement, il était là, Gordon, entouré de sa femme et de ses enfants (et aussi d’autres gens, je crois, mais je ne me souviens pas très bien, mon cerveau baignait dans l’adrénaline à ce moment du récit).

Se sont enchaînées les milliers de décisions qu’on fait à la vitesse de l’éclair dans ces moments-là. On a dégainé, qui son iPhone, qui son HTC, on a élaboré un plan de stratégie, j’ai attendu que Gordon finisse sa conversation avec un autre monsieur, j’ai noté qu’une autre fille était déjà allée lui demander une photo et que ça avait l’air de s’être bien passé, et ensuite, le destin m’a mis un grand coup de pied aux fesses et je suis allée le voir gentiment. Ce faisant, j’ai enfreint ma règle de conduite principale, à savoir qu’il m’est interdit d’adresser la parole aux gens à l’encontre de qui j’éprouve des sentiments proches de ceux de la groupie, sous peine de me couvrir de ridicule (jurisprudence Raphael datant de 2008). Mais là, j’y suis allée, parce que si je ne l’avais pas fait je me serais retrouvée à hululer de longs “Pourquoiiiii” toute la nuit.

De toute façon, je n’avais aucune raison d’avoir peur, parce qu’il s’est avéré que Gordon Ramsay est fondamentalement GENTIL. Mais alors vraiment. Adorable. Une fois les photos prises, il a discuté un peu avec nous, jusqu’au moment où il a compris qu’on était français, et alors là, c’était l’aller simple vers les sommets du merveilleux. Voyez-vous, Gordon Ramsay parle couramment français. Cela s’explique notamment par le fait qu’il a fait ses classes à Paris, chez Robuchon, fut un temps. Moi je le savais déjà (parce que bien entendu j’ai lu son autobiographie), et pendant qu’il expliquait tout ça à mes parents, j’acquiesçais furieusement. Ma mère, prise d’une inspiration créatrice (et Dieu la bénisse, parce qu’à ce moment donné des choses, j’étais bigrement incapable d’aligner deux mots corrects), lui a expliqué que je repartais de Londres demain et tout et tout. Quelque part dans mon cerveau, un engrenage n’arrivait pas bien à gérer tout ça, et une petit voix répétait en boucle : “GORDON RAMSAY. PARLE EN FRANÇAIS. À TA MÈRE.” La vision surréaliste.

Je ne sais plus trop comment, on a regagné notre table de bar et on a commandé à boire alors que je m’empressais d’annoncer la bonne nouvelle à tout Twitter de mes doigts tremblants. Quelque part sous la table, mes genoux jouaient des maracas. À un moment, il m’a vue en train d’épier un peu du côté de sa table, et au lieu de hausser les sourcils ou de sortir sa bombe lacrymo, il m’a FAIT UN SOURIRE.

Et là, le destin a décidé que finalement on n’en avait pas eu assez. Qu’il fallait bien en remettre une petite couche. Que c’était mon dernier soir à Londres. Que ça valait bien un petit quelque chose.

Alors, Gordon Ramsay est passé près de notre table pendant que lui et sa petite famille passaient du bar au côté restaurant. Et, alors qu’il est passé à côté de nous, il a dit – et je vous jure que c’est vrai, il a dit en français : “Passez une très bonne soirée, et un bon dimanche.”

UNE TRÈS BONNE SOIRÉE. ET UN BON DIMANCHE. DE LA PART DE GORDON RAMSAY. DANS SON RESTAURANT. VOILÀ.

Alors, je repars de Londres avec ce que je désirais le plus ardemment au cours de cette année à l’étranger : une super photo de profil Facebook avec Gordon Ramsay dessus. Ça m’aura pris un an. Mais je l’ai eue. En trois exemplaires.


Martine rentre de 3A

L’infini puits de sagesse qu’est John Green a écrit, dans son troisième livre, Paper Towns : “It is so hard to leave – until you leave. And then it’s the easiest goddamned thing in the world.”*

À environ 24 heures de mon départ de Londres, le jury n’a pas encore décidé si John Green avait complètement raison quant à sa deuxième phrase – je vérifierai ça demain. En revanche, je crois bien qu’il y a du vrai dans la première phrase : “It is hard to leave – until you leave”.

Ce qui est difficile, dans un départ, ce sont les dernières semaines, où on passe ses journées entières à partir, justement, et où l’on n’en finit plus de dire au revoir. Ce sont tous les pèlerinages du quotidien passés à se remémorer tous les bons moments qu’on a vécu, et à se dire qu’on ne sera plus là dans quelques semaines. Ce sont les affiches du métro qui annoncent des expositions qui commenceront une fois qu’on sera parti. C’est la voix off de la télé qui signale un prochain épisode de Gordon Behind Bars, la nouvelle émission de Gordon Ramsay, qu’on ne pourra pas voir.

Mais une fois que le jour J arrive, et que l’on n’a plus d’autre choix que d’emballer ses affaires et de s’en aller pour de bon, tout devient plus facile. Parce qu’au lieu d’être quelqu’un qui fait, on devient quelqu’un qui a fait. Et c’est bien aussi. En fait, il m’est arrivé de faire des choses plus pour le plaisir de les avoir faites que pour le plaisir ressenti au moment où elles se sont déroulées – faire le Space Mountain cinq fois de suite à Disneyland, par exemple. Dans le cas de mon année à Londres, je commence à me rendre compte que la satisfaction d’y avoir vécu pourrait peut-être – peut-être – se mesurer au pied que ça a été, d’y être pendant un an.

Il n’y a qu’à voir le carnet réservé à mes to-do lists pour comprendre que peu de choses dans la vie me procurent une satisfaction comparable à celle que j’éprouve en rayant d’un petit trait bien net un élément d’une liste de choses à faire. Or, en quittant Londres, je peux rayer un truc énorme, que beaucoup de personnes font figurer dans leur bucket list sans jamais passer à l’action. Vivre à l’étranger, c’était génial. Vivre avec la satisfaction de savoir qu’on l’a fait, ça doit être pas mal aussi.

Sur ce, je vais retourner à mes activités du jour, c’est-à-dire attendre mes parents, coincés sur les routes anglaises à bord d’une voiture pleine du mauvais type d’essence, trier mes affaires, et pleurer épisodiquement en écoutant Joan Baez.


* Ce que l’on pourrait traduire approximativement – je carbure uniquement au sucre, à la caféine et aux émotions contradictoires, je serais bien incapable de traduire autrement qu’approximativement – par : “C’est tellement difficile de partir – jusqu’à ce qu’on parte. Et alors c’est la plus facile foutue chose du monde.”


Les vertus insoupçonnées du Code Civil

Environ 95% du temps, quand on demande à un auteur des conseils d’écriture, la première réponse sera de lire beaucoup, beaucoup, beaucoup – mais aussi de lire de tout.

Et pour cause, c’est un excellent conseil, ça ne fait aucun doute. Ma pile de bouquins à lire (qui culmine environ à 3 mètres 30 de hauteur), ainsi que ma Wishlist Amazon (qui, imprimée, serait aussi épaisse que Guerre et Paix) sont là pour prouver que je prends ce conseil très au sérieux et que je suis absolument convaincue de sa légitimité (aussi, je suis sur le point de me faire interdire l’accès à l’entrée des librairies comme certains sont interdits d’entrée dans les casinos).

Mais parfois – quand j’ai du lire Aristote en anglais pour un cours, par exemple – je me suis sentie prise de doute quant aux vertus du texte que j’étais en train de m’échiner à lire et il est possible que j’aie fini par reposer le tout pour aller me faire une tasse de thé avant que mon cerveau ne commence vraiment à me couler par les narines.

En gros, le “lisez beaucoup – mais surtout lisez de TOUT”, j’étais bien d’accord, tant que le “TOUT” n’englobait que les textes que je trouvais personnellement intéressants.

Sauf que l’autre jour, j’ai reçu une petite leçon à la page 75 de l’Introduction au Droit d’Astrid Marais (on a les lectures de vacances qu’on peut), quand elle évoque l’une des inspirations de Stendhal pour La Chartreuse de Parme : “En composant La Chartreuse, pour prendre le ton, je lisais chaque matin deux ou trois pages du Code civil, afin d’être toujours naturel ; je ne veux pas, par des moyens factices, fasciner l’âme du lecteur.”

Le CODE CIVIL. Voilà le bouquin qui a inspiré le style d’un des plus grands romans français du XIXème siècle.

J’étais sciée. Je suis toujours sciée.

Je trouve ça fantastique.

Sur ce, je m’en vais lire le Dictionnaire Vidal de A à Z. On ne sait jamais. Ça peut aider.


10 choses que j’ai apprises lors de mes dernières semaines à Londres

(N’allez pas croire que je suis déjà rentrée. Je suis toujours de l’autre côté de la Manche et il me reste très exactement dix jours entiers pour en profiter, alors pensez-vous, le départ n’est qu’une éventualité abstraite dans mon cœur pour l’instant) (en vrai non, il est une éventualité un peu trop concrète à mon goût). Toujours est-il que les experts sont formels et qu’une étude a démontré que j’étais en train de vivre les dernières semaines de mon année d’échange, qui se sont révélées très instructives.

1° Les Jubilés, c’est super cool.

Je ne pensais pas avoir l’occasion d’en célébrer un dans ma vie et mon âme française élevée au républicanisme pur jus a bien senti que quelque chose d’inédit était en train de se passer quand j’ai acclamé un monarque pour la première fois (j’avais l’impression d’être en 1712, grosso modo), mais j’ai vu la Reine, le Prince William et les (si beaux) cheveux de Kate Middleton alors pensez-vous, mon âme républicaine et moi avons vite fait abstraction de ces considérations politiques. Il se trouve que j’ai attrapé une laryngite carabinée en attendant le passage de la flotilla le jour de la parade navale sur la Tamise mais JE NE REGRETTE RIEN.

Par ailleurs, chanter Let it be en chœur avec Paul McCartney et quelques milliers de Britanniques une nuit dans Hyde Park (devant l’écran géant qui retransmettait le concert du Jubilée à Buckingham Palace), ça n’a pas de prix. Entendre le Prince Charles appeler la Reine “Mummy” non plus.

 2°La visite des Studios Warner de Harry Potter vaut vraiment le coup.

Morgane et moi avons frôlé la rupture d’anévrisme tellement tout ce qui se passait autour de nous dépassait l’entendement et les limites du fantastique. On a pris des photos dans le Grand Hall, bu de la Bièreaubeurre, déambulé sur le Chemin de Traverse (où l’on s’est recueillies devant la boutique des Frères Weasley), et scruté chaque détail du bureau de Dumbledore. C’était grandiose.

3° En revanche, il est très déconseillé de suivre les indications du contrôleur de train au retour de la visite desdits studios…

… Car un trajet direct de 20 minutes se transformera immanquablement en périple de 2 heures et demi en banlieue de Londres où il est impossible de recharger sa carte de transport à la station et de payer par carte bancaire à l’épicerie du coin où, en toute logique, il est possible de recharger sa carte de transport. On a bien cru qu’on ne reviendrai JAMAIS.

4° Le Regent’s Canal est probablement l’endroit le plus underrated de tout Londres.

J’entends par là qu’on n’en entend pas assez parler proportionnellement aux trésors que ses abords recèlent. C’est un immense canal qui part de Little Italy pour arriver à Camden. Entre les deux, il y a des coins formidables avec des péniches de toutes les couleurs, des jolies maisons qui ressemblent à des châteaux, et des gens qui dont de l’aviron. En gros, si le Jardin d’Eden avait eu un canal, ç’aurait été le Regent’s Canal.

5° Le passage piéton où les Beatles ont pris la photo qui fait la couverture d’Abbey Road est un vrai passage piéton.

Genre, avec des voitures, des taxis et des bus et aussi des gens qui veulent vraiment traverser et pas juste faire les guignols le temps de prendre une photo. Au péril de nos vies, Morgane et moi avons réussi cette immanquable étape touristique.

6° Brighton, c’est super cool.

Mais il est fort déconseillé de faire le mariole au bord de la mer, sous peine d’y tomber tout habillé.

(N.B. : Contrairement à ce que la réputation qui me précède pourrait laisser croire, je ne suis pas concernée par cette anecdote, qui est arrivée à une personne dont je protégerai l’anonymat car j’ai peur de me prendre un procès je suis gentille.)

7. Le Richmond Park est très, très, très (mais alors vraiment très) grand.

Adorable, hein, mais très grand. À l’heure où nous mettons sous presse, mes pieds se remettent toujours des trois heures de marche non-stop que Morgane et moi avons effectuées (en petites ballerines à la semelle fine comme du papier à cigarette, bien entendu) cet après-midi. Mais on a vu des biches avec leurs bébés faons PAR DIZAINES, alors encore une fois, nous ne regrettons rien.

8. Tant qu’on y est, Richmond est probablement l’un des boroughs les plus mignons de tout Londres.

Et il contient un très bon restaurant italien où Morgane et moi avons pu remplir nos estomacs creusés par toute cette marche.

9. Quand ils parlent de la Tamise, les Anglais disent “Thames”, mais sans prononcer le “h”.

Donc ils ne disent pas “Thames” comme dans “the” mais “Tames” comme dans “Travolta”. C’est parce qu’un jour un Roi s’est trompé dans la prononciation (il était allemand et ne parlait pas un mot d’anglais) (j’ai oublié quel Roi c’était exactement, probablement un George dont j’ai oublié le numéro) et comme c’était le Roi, personne n’a osé le contredire et c’est resté depuis. C’est en tout cas la théorie émise par la dame du commentaire audio de l’Original Tour en bus.

10. Il existe bel et bien des gens qui collent leurs fesses (nues) aux vitres des bus, en plein jour et en pleine rue.

Je m’en suis rendu compte pendant ce même Original Tour en bus – l’individu se trouvait au deuxième étage d’un bus rouge normal, tandis que moi j’étais perchée à l’étage de mon bus de touriste ouvert sur le dessus. J’avais donc une vue imprenable. Je n’aurai pas d’autre commentaire.


Dear diary

(Alors oui j’ai bien conscience que ça fait très conception du blog homologuée 1998 d’appeler un article “Dear diary”, mais en l’occurrence c’est assez approprié, donc voilà, je ne vous prends pas en traître.)

Parfois (voire souvent) (voire même la plupart du temps), quand je raconte dans le détail ce que j’ai fait sur ce blog, ce n’est pas uniquement par pur exhibitionnisme social, mais aussi pour que je puisse me rappeler de tout quand je serai rentrée à Paris.

Alors, chère moi du futur, quand tu seras repassée de l’autre côté de la Manche, souviens-toi :

– d’un concert de Atl-J au beau milieu de la gare de Saint Pancras.

– du British Museum. Saviez-vous qu’on y trouve la vraie momie de Cléopâtre? Ainsi que des animaux momifiés (dont un poisson)? Ainsi qu’une très grosse épée et une côte de maille beaucoup moins bien tissée que celles qu’on voit dans les films? Eh bien moi non plus.

On y trouve aussi les gardiens de l’enfer.

– d’un après-midi passé à lire dans un des trois parcs qui entourent le Palais de Buckingham (sauf qu’on ne sait jamais exactement dans quel parc on est, parce que rien ne ressemble plus à un parc qu’un autre parc).

– de la Foyles Library, de son café et de son méga shortbread recouvert d’une couche de caramel et d’une couche de chocolat (girl’s gotta eat). Mais surtout, de ses trois étages dans lesquels Morgane et moi avons bien fini par passer un après-midi entier.

– d’un autre après-midi passé à bavarder avec la même Morgane à Regent’s Park, de ses écureuils particulièrement peu farouches et limite agressifs (avez-vous déjà vu la lueur névrosée qui anime l’œil d’un écureuil attiré par la bouffe? Ça fait très peur) ainsi que du couple installé à quelques mètres, parfaitement adorable jusqu’à ce qu’ils décident de jouer du tambourin pendant trois quarts d’heure sans discontinuer.

C’était bien la première fois que j’avais peur d’un écureuil.

– d’un fabuleux tour en pédalo avec Stéphanie et Morgane (bon OK, je passe ma vie avec Morgane) dans Hyde Park, ou comment rester une lady tout en pédalant en robe (et par là-même en flashant tout individu situé dans un rayon de dix mètres).

– de la boutique de souvenirs du Victoria and Albert Museum, sorte de vortex du cool dans lequel tout touriste se trouve immanquablement attiré.

– de la séance de dédicace de Maureen Johnson et de Cassandra Clare à laquelle tu as assisté en réussissant à ne te ridiculiser qu’après d’un des deux auteurs susmentionnés (normalement je m’interdis d’aller à ce genre d’événements parce qu’il y a toujours un moment où je me couvre de ridicule). Déjà, il s’agit de deux auteurs de la catégorie Young Adult, et rassurez-vous tout de suite, je n’y suis pas allée uniquement pour la dédicace (il y a quelque chose qui me gêne un peu dans l’organisation d’une dédicace, j’ai toujours l’impression d’être un Roi Mage qui attend pour déposer son or, sa myrrhe ou son encens auprès du petit Jésus) mais aussi pour la conférence d’une heure et demi qui avait lieu avant dans le charmant Theatre Royal Stratford East. Et après je suis restée pour la dédicace. Notamment parce qu’on nous a distribué des chocolats gratuits dans la file d’attente. Il faut savoir que j’étais probablement la seule personne de l’assistance à n’avoir jamais lu un seul des livres de Cassandra Clare (mais j’en avais acheté un donc c’est bien que j’ai l’intention de le faire, notez-le s’il vous plaît, c’est important pour la suite). Et pendant qu’elle dédicaçait mon bouquin, il a fallu, BIEN ÉVIDEMMENT, qu’elle me demande si j’avais un personnage préféré. Or, sachez que je mens très bien mais très peu. Donc j’ai du lui avouer que je ne l’avais pas encore lu, son bouquin. Sauf que comme ce bouquin, c’était le cinquième tome d’une série, mon incapacité à ne serait-ce que nommer un de ses personnages prouvait aussi que je n’en avais jamais lu aucun. Voilà. Ce n’était pas embarrassant du tout. Non non non.

Mais bon, le théâtre était fort joli.


Y a-t-il un ophtalmo dans la salle? Et autres considérations sur la 3D.

Je ne vois pas en 3D.

À tous ceux qui, à la lecture de cette phrase, sont tentés de s’écrier : “C’est pas possible, tout le monde voit en relief, tu inventes, espèce d’affabulatrice”, sachez que je ne vous en veux pas, c’est ce qu’on me répond depuis bientôt huit ans (car je devais avoir environ douze ans quand mon ophtalmo a levé le voile sur le tragique dysfonctionnement de mes globes oculaires).

Toujours est-il que c’est bien possible, et que mon ophtalmo s’en est aperçu le jour où il m’a fait chausser des lunettes 3D et m’a demandé d’attraper la mouche sur l’image, là, et où apparemment je n’ai pas tenté de l’attraper correctement. Si vous voulez tout savoir, c’est parce que la perception du relief se fait grâce à l’utilisation simultanée des deux yeux, et que mon corps a visiblement décidé que non, si j’avais deux yeux c’était pas pour utiliser les deux en même temps, mais plutôt pour les utiliser alternativement quand il y en a un qui fatigue ou qui tombe en panne. Si quand vous étiez petit on vous a fait porter des lunettes ridicules avec un verre brouillé, sachez que ce n’était pas seulement pour vous empêcher de vous faire des copains à l’école, mais surtout pour corriger un strabisme et potentiellement éviter que vous finissiez comme moi, condamnée à voir la vie comme un film des frères Lumière.

Jusqu’ici, savoir que je ne voyais pas en relief me servait surtout à justifier mes piètres performances en volley et en badminton (VOUS RONDS DE CUIR, QUI ME CHOISISSIEZ TOUJOURS EN DERNIER POUR FAIRE PARTIE DE L’ÉQUIPE, VOUS SAVEZ MAINTENANT À QUOI TENAIT MA NULLITÉ). Cela signifiait surtout que je ne pourrais jamais devenir neurochirurgienne ni pilote – deux ambitions que ma propension à m’évanouir quand je vois du sang et à pleurer dès qu’il y a la moindre turbulence en avion ne m’avaient jamais encouragé à nourrir.

Ne pas voir en 3D, cela signifiait aussi expliquer aux gens que si, j’arrive à distinguer que le poteau A est plus proche de nous que le poteau B, parce que le relief se perçoit aussi grâce aux ombres, à la perspective, au chevauchement, et à plein d’autres choses qui sont très bien expliquées ici. En revanche, ne pas voir en 3D, cela signifie surtout que je ne peux pas vraiment expliquer comment je vois, puisque je n’ai aucune idée de ce à quoi ressemble ce que voient les gens qui peuvent voir en 3D, et par conséquent je ne peux pas établir de comparaison, voyez-vous.

Pour vous donner une idée, un jour, j’étais dans le métro, et sur le quai d’en face, se tenait une dame avec un chapeau.Sauf qu’en fait c’était surtout une dame sans chapeau debout devant une affiche sur laquelle se trouvait une forme ressemblant à un chapeau juste au-dessus de sa tête, et donc moi, comme je ne percevais pas la distance entre l’affiche et la dame, j’ai cru qu’elle avait un chapeau. Et j’ai été sacrément surprise quand elle a bougé et qu’elle a laissé son chapeau en lévitation derrière elle.

Jusqu’ici, tout allait bien, donc, puisque voir en 2D ce n’est généralement pas très embêtant, surtout que je ne voyais pas les bosses au ski et que je passais donc pour une casse-cou très courageuse quand j’étais petite (alors qu’en fait je me payais surtout des sacrées surprises quand mes skis rebondissaient d’un seul coup sous mes pieds sans que je comprenne pourquoi) (par la suite, je suis devenue une sacrée poule mouillée sur les pistes de ski, parce que j’ai pris conscience du danger que représentent les abrutis qui n’ont pas compris que ce sont les gens qui viennent du haut de la piste qui doivent faire attention à ceux qui sont en bas).

Ça, c’était avant la déferlante des films 3D.

Parce que s’il y a bien une chose qui me dérange à propos des films en 3D, ce n’est pas tant les MILLIERS D’EUROS SUPPLÉMENTAIRES que je dois payer pour une place de cinéma (quoique ça, ça me dérange déjà beaucoup), mais plutôt les MILLIERS DE QUESTIONS LAISSÉES SANS RÉPONSES qu’ils ont provoquées en ma personne à propos du relief en général.

Car rappelez-vous, moi, à la base, voir en relief, je ne sais pas du tout ce que ça fait. Comme j’imagine que tout n’est pas tout blanc ou tout noir dans le monde de l’ophtalmologie, je pense bien qu’à certains moments je vois un peu en relief, mais pas totalement, et puis de toute façon je ne peux jamais savoir avec certitude, puisque je ne sais pas à quoi le relief ressemble. Bref le relief, dans ma vie, c’est un peu comme un yéti, je sais qu’il existe, j’en entends parler, mais je ne sais jamais avec certitude que c’est bien lui que je vois.

Mon premier cheval de bataille, ça a été de déterminer si oui ou non je vois les films en 3D en 3D, et la réponse a été: parfois. Par exemple, la pub Haribo où des bonbons sautent de l’écran, oui, ça marche. En revanche, je n’ai pas eu l’impression de voir grand-chose de différent dans le Alice au Pays des Merveilles de Tim Burton, ou dans Titanic quand il a été diffusé en 3D, ou dans Avengers. Sauf qu’en fait c’est très difficile de savoir si le fait que je ne vois aucune différence dans les films en 3D tient à mon défaut de vision, parce que plein de personnes qui sont censées voir parfaitement bien me disent aussi qu’il y a peu de changements (et que donc la 3D dans les films ça ne sert pas à grand-chose). CONFUSION #1.

À noter qu’au cours d’une discussion animée sur le sujet avec Camille, qui fait elle aussi partie de la confrérie des gens qui voient plat, j’ai découvert qu’il semblerait que nous, les monoculaires, n’échappons pas forcément aux effets secondaires chiants de la 3D au cinéma (migraines, vertiges, nausées et plein de petites choses charmantes). Donc on voit plat et on souffre par la suite (enfin, Camille voit plat et souffre par la suite. Moi je vois plat mais la 3D ne me fait rien).

Ensuite, je me suis dit qu’au cours des rares fois où un film en 3D avait effectivement l’air d’être en 3D d’après mes yeux à moi, j’avais eu l’occasion de voir à quoi ressemblait vraiment le monde vue par une personne qui sait utiliser ses deux yeux en même temps (et donc percevoir les reliefs). EH BIEN, PAS DU TOUT. Alors que je commençais à devenir trop jalouse des gens qui voient en 3D dans la vraie vie et à dire qu’effectivement moi je voyais jamais comme ça et que ça devait être trop bien, ma chère mère m’a dit que la 3D des films n’était pas identique à la 3D du réel. CONFUSION #2

Depuis, je m’interroge. Y a-t-il deux types de 3D, que je perçois ou non à des degrés divers? La 3D est-elle une pure invention des puissants destinée à perturber les masses?

J’ai appris récemment comment fonctionnaient les films en 3D, et, GUESS WHAT, normalement, pour voir un film en 3D, il faut voir avec ses deux yeux en même temps. Hank Green explique ça très bien sur le site où il a mis en vente les lunettes 2D (oui, 2D) qu’il a inventées pour les personnes qui voient en relief mais souffrent des effets secondaires susmentionnés des films en 3D (alors qu’en fait il suffirait que je leur prête mes yeux).

Alors voilà, tout cela me perturbe et je cherche des réponses. S’il y a un ophtalmo dans la salle, qu’il parle maintenant ou se taise à jamais.


Cet article vous sera livré en trois parties et aucune sous-partie

…Parce que je n’ai jamais adhéré au concept de sous-partie (dire ça quand on est à Sciences Po équivaut à peu près à avouer qu’on n’aime pas les chiots, pour vous donner une idée de l’ampleur de ce coming-out).

1. J’ai passé mes examens, en anglais, et sur un clavier QWERTY

Comme vous le savez probablement, en Perfide Albion, les touches du clavier sont organisées dans un ordre différent du clavier français (contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas juste pour emmerder le monde, mais c’est pour que la position des touches reste intuitive par rapport aux lettres les plus utilisées dans chacune des langues) (ce qui ne m’a pas empêchée de chercher la touche “%” pendant cinq bonnes minutes, l’air bien dépité).

Ce fut l’occasion de découvrir l’organisation assez exotique de City University en matière d’examens : avant d’entrer dans la salle, on doit montrer ses mains aux examinateurs, des deux côtés, pour qu’il vérifie qu’on n’y a pas copié l’intégrale des travaux de Galtung et Ruge (à peu près les deux seuls sociologues dont on entend tout le temps parler quand on étudie le journalisme). Autant vous dire que la première fois je me suis bien demandé ce qu’il me voulait (un high-five, peut-être?), et quand j’ai compris, j’ai eu l’impression d’être un des Sept Nains quand Blanche-Neige vérifie qu’ils se sont bien lavé les mains.

Sinon, à City University, on n’envoie pas de convocation aux étudiants pour les examens mais on prend la peine de préciser avant le début de l’épreuve qu’en cas d’incendie il faudra évacuer la salle.

2. Je suis allée voir Avengers

(dans le cinéma de mon quartier, dont je tombe un peu plus amoureuse chaque jour) (non pas que ce soit un cinéma de quartier particulièrement charmant, en fait c’est une grosse machine industrielle qui fait partie des deux plus grandes chaînes de cinémas du pays, c’est juste qu’il a cela d’étonnant que quand on regarde le bâtiment de l’extérieur, on ne comprend pas comment il peut contenir autant de kilomètres de couloirs et de salles).

Dans la catégorie “effets collatéraux” d’Avengers, je suis bien entendu tombée amoureuse d’Iron Man (pardon mais ROBERT DOWNEY JUNIOR) (oui je trouve ça rigolo que les filles de 20 ans d’aujourd’hui l’aient érigé au rang de sex symbol alors que c’est plutôt l’idole d’une autre génération, non?) (je veux dire, regardez un peu la tronche qu’il avait sur l’affiche de Johnny Be Good en 1987).

Mais celui qui m’a le plus touchée, finalement, c’est Hulk. Parce qu’il y a un truc en Hulk qui fait que j’ai envie de lui faire des câlins (alors qu’il m’enverrait probablement valser). Je crois que c’est parce que je me suis mise en tête que le plus angoissant dans le cas de Hulk, ce n’est pas tant son incapacité à maîtriser sa colère, c’est l’angoisse générée par le fait qu’il ne sait pas envers quoi sa colère est dirigée. Du coup tout ce qu’il peut faire c’est continuer à crier et à frapper des trucs avec son poing, mais il ne trouve jamais la réponse à cette foutue question, et je ne sais pas pourquoi mais ça me paraît terriblement angoissant comme situation. Ça vient peut-être du fait que j’étais une grande claqueuse de portes quand je n’étais qu’une jeune pimbêche de treize ans et demi – parce que clairement, claquer des portes et défoncer des buildings à coups de poings, même combat. Cela étant dit, je reste persuadée qu’il existe des similitudes entre Hulk qui ne sait pas pourquoi il est énervé et encore moins comment se calmer et un adolescent aux hormones bouillonnantes qui ne comprend pourquoi d’un seul coup il déteste tout le monde alors que la minute d’avant il apprenait gentiment l’alphabet dans ses J’aime Lire. Dans les deux cas, ils ne peuvent rien faire d’autre qu’attendre que ça passe.

Quoiqu’il en soit, Tom Hiddleston, l’acteur qui joue Loki (alias l’homme au casque de chèvre), a résumé quasiment tous mes sentiments vis-à-vis de Hulk en trois phrases, dans un article (très bon, au demeurant) pour un des blogs du Guardian :

“The Hulk is the perfect metaphor for our fear of anger; its destructive consequences, its consuming fire. There’s not a soul on this earth who hasn’t wanted to “Hulk smash” something in their lives. And when the heat of rage cools, all that we are left with is shame and regret.”

3. Je crois qu’il faudrait plus d’une vie pour explorer tous les endroits cools de Londres

L’autre jour, j’ai déjeuné avec Morgane au Breakfast Club, un restaurant très cool et très branché de mon quartier qui sert des montagnes de pancakes sous des montagnes de crème à la vanille – et qui tient son nom d’un teen-movie des années 80.

On a déjeuné sous l’oeil bienveillant d’une Molly Ringwald de 17 ans, et en proche vicinalité d’un sosie de Bob Dylan époque 1962 (à ceci près que le sosie avait un peu plus de boutons et un peu moins de classe que l’original). Entre deux bouchées d’œufs florentine, on a discuté de cette espèce de mid-life crisis qu’on expérimente parfois vers vingt ans, quand on réalise que d’autres du même âge ont déjà écrit des bouquins, tourné dans des films, gagné des prix, enregistré des albums ou que sais-je encore alors que soi-même on galère encore pour trouver un stage.

Pour continuer dans la catégorie “endroits cools”, je suis allée courir au bord du Regent’s Canal et ce fut une grande révélation – un peu comme si vous découvriez que le placard de votre chambre contient en fait un passage vers Narnia. Juste en prenant un tournant inhabituel dans une rue de mon quartier, j’ai découvert un monde peuplé de hipsters, de joggeurs (dont une qui courait en leggings léopard), de saules pleureurs et de mini-cascades, avec des gens qui s’arrêtent pour lire à l’ombre, boire un café à la terrasse d’un restaurant où les serveurs peuvent aussi promener votre chien, ou visiter une friperie installée à bord d’une péniche.

Je vous laisse sur une photo du panneau du Breakfast Club ce matin :

C’est une référence à Hunger Games, pour ceux qui ne l’auraient pas lu – mais qu’est-ce que vous attendez?


I’m the hero of this story, I don’t need to be saved

(Le titre de cet article est sponsorisé par Regina Spektor, et vient de la chanson Hero, utilisée dans la BO de 500 Days of Summer / 500 jours ensemble – oui je regarde des films avec des Manic Pixie Dream Girls dedans, OH ÇA VA HEIN.)

(Ce qui d’un seul coup me fait penser à une autre chanson qui s’appelle Hero)

Comment récupérer, quand on s’est pris une (toute métaphorique) barre de fer dans la tronche?

Déjà, en évitant le déni et en admettant qu’on s’est pris une (métaphorique, certes) barre de fer dans la tronche. Sans déconner, ça sert à rien d’essayer de se dire tout de suite que tout ira bien et d’écouter Frank Sinatra en se disant qu’on est très heureux et si si JE TE DIS QUE JE SUIS TRÈS HEUREUX COMMENT ÇA MON SOURIRE EST UN PEU CRISPÉ MAIS NON C’EST PAS DES LARMES QUI COULENT DE MES YEUX OU ALORS CE DOIT ÊTRE DES LARMES DE JOIE PUISQUE JE SUIS DÉPASSÉ PAR TOUT CE BONHEUR PUISQUE JE SUIS TRÈS HEUREUX, TE DIS-JE.

Non, pour guérir, il faut d’abord accepter qu’on a mal (d’ailleurs Freud l’a sans doute dit). J’ai bien conscience qu’on pourrait m’accuser de dramatiser un peu, après tout j’ai juste échoué au concours d’entrée d’une école, il arrive chaque jour des choses bien plus graves à des millions de gens, mais J’AI EU MAL OK?

Un type que j’ai interviewé un jour (indice : il fait partie d’un groupe de musique) (vous voilà bien avancés) m’a dit : “Il n’y a pas de degré dans la douleur”. Et comme exemple, il a ajouté quelque chose du genre : “Il y a peut-être un type qui s’est fait arracher une jambe en Afrique, mais toi, tu t’es cassé le doigt, et t’as super mal“. Eh bien, c’est à peu près ça, voyez.

Ensuite, une fois qu’on a bien admis qu’on avait mal et qu’on a pleuré très fort et qu’on a bu cinq tasses d’eau pour éviter de mourir de déshydratation dans la foulée, on peut commencer à chercher des exutoires.

C’est comme ça que j’ai développé une addiction très accrue aux librairies Waterstone’s.

Waterstone’s, c’est un peu comme la Fnac en version anglaise, à ceci près que les Waterstone’s sont beaucoup plus cools et cosys et qu’on a facilement envie d’y passer son après-midi à feuilleter plein de bouquins. Du coup c’est un peu devenu mon nouveau passe-temps, prendre le métro et me balader un peu, puis rentrer dans un Waterstone’s et feuilleter des livres pendant une heure.

En corollaire de ce premier exutoire, j’ai développé une addiction encore plus accrue aux bouquins. Déjà avant j’étais incapable de ressortir d’une librairie les mains vides, mais là, pensez-vous, j’ai bien du acheter l’équivalent de la Bodleian Library d’Oxford (une bibliothèque qui contient donc un exemplaire de chaque livre publié au Royaume-Uni depuis 1911) en moins de deux semaines.

Et à chaque fois que je rentrais dans un Waterstone’s, j’allais au rayon Young Adult (qui s’appelle en réalité Teen Fiction, mais Young Adult ça sonne quand même mieux) et je regardais quels bouquins de John Green (l’auteur de… The Fault in Our Stars, officiellement le bouquin le plus cité en exemple sur ce blog) étaient disponibles. Au départ je comptais les acheter en édition Kindle, mais une fois les exemplaires papier en main, impossible de les reposer. Me voilà donc lancée dans un Marathon John Green, qui se passe très bien, merci :

Ce qui m’amène au point suivant du processus de guérison post-barre-de-fer-dans-la-gueule : les lectures thérapeutiques. Dans ce cas, John Green est particulièrement indiqué, parce qu’il aborde des problèmes comme le sens de la vie avec une facilité déconcertante et qu’il écrit des phrases dans ce genre là :

Those awful things are survivable, because we are as indestructible as we believe ourselves to be. […] We never need be hopeless, because we can never be irreparably broken.” (John Green (2005), Looking for Alaska, HarperCollins, p. 262)

(Oui, j’aime les citations bien académiques et bien propres, c’est mon petit luxe à moi.)

Après les lectures thérapeutiques, vient la phase “Après l’immense déception que je viens de subir, je peux bien manger/acheter/faire ce que je veux”. (Enfin, quand je dis “acheter ce que je veux”, dans la limite de mes moyens, bien évidemment – il ne s’agit pas de se retrouver à la fois sans école de journalisme et fauchée). Telle que je vous parle, j’ai mangé un paquet de Percy Pigs et deux tartines de Nutella pour le goûter, et un de mes dîners de la semaine dernière s’est soldé par deux Kinder Surprises en guise de dessert. D’après mon diagnostic, la phase “manger ce que je veux” est donc loin d’être terminée.

En ce qui concerne la partie “acheter ce que je veux”, ma propension à m’entourer de petits gagdgets en soi absolument cools mais relativement peu utiles a subi un certain regain de vigueur. Par exemple, j’ai commandé cet autocollant “this machine kills fascists” pour mon ordinateur (vous serez ravis d’apprendre que c’est ce que Woody Guthrie écrivait sur toutes ses guitares), ainsi que ce t-shirt “Holden Caulfield thinks you’re a phony” (Holden Caulfield étant le héros de L’Attrape-Coeurs, de Salinger, mon livre préféré de tous les temps – mais c’est un peu le livre préféré de tout le monde, non?). À Bath, j’ai à nouveau visité la boutique de souvenirs du Jane Austen Centre et j’en suis ressortie avec ça :

Ah oui, et j’ai aussi trouvé UN AUTHENTIQUE MOCKINGJAY PIN, JE SAIS, C’EST D’UNE CLASSE FOLLE (mais ça ne vous parlera que si vous avez lu Hunger Games).

Vous remarquerez peut-être que ces objets ont presque tous un rapport avec un ou plusieurs livres, et je pense, après m’être analysée moi-même, que c’est loin d’être anodin : il se trouve que je suis partie pour faire un master en droit économique, spécialité propriété intellectuelle, et je trouve qu’un des aspects cools de la propriété intellectuelle, c’est que c’est un ingrédient qui sert à faire des livres (mais ça sert aussi à faire des trucs immangeables comme l’HADOPI. On en reparlera).

Pour en revenir au processus de guérison, quand ça va un peu mieux, on peut commencer à écouter de la musique qui met de bonne humeur. Et aussi de la musique triste, parce que parfois on aura besoin d’être triste encore un petit peu. Dans ces moments-là, on pourra se convaincre que Keith Richards devait certainement penser à nous quand il a écrit la phrase “All the dreams we held so close seem to all go up in smoke” dans Angie.

Sinon, personnellement, j’ai beaucoup (mais alors vraiment beaucoup) écouté Simon & Garfunkel (particulièrement The sound of silence et The Boxer), et l’album de Hurts (qui s’appelle, assez ironiquement, Happiness). Il y a aussi eu cette chanson de Frank Sinatra que Camille a posté en commentaire sur l’article précédent et qui me donne envie de swinger dans les rues en tourbillonnant autour des lampadaires avec mon parapluie ouvert, si vous voyez à quoi je fais allusion.

Ensuite, c’est un peu comme pour une rupture amoureuse, il y a les petits coups de poignard du quotidien, comme par exemple quand on doit réviser ses exams de journalisme (qui sont dans moins d’une semaine à l’heure où nous mettons sous presse) et qu’on s’interdit de trouver ses cours trop intéressants parce qu’on sait que ce n’est pas ça qu’on fera l’année prochaine. Ou quand Mediapart nous envoie trois mails par jour (il faut savoir que dans les jours suivant le traumatisme, la seule évocation du nom d’une quelconque organisation journalistique provoquera chez le patient des épisodes psychotiques aigus) pour nous rappeler que 1° ils seront en accès libre dans une heure, 2° ÇA Y EST, ILS SONT EN ACCÈS LIBRE, 3° ils ont été en accès libre pendant une heure en début de soirée et c’était vachement cool même qu’on s’est bien marrés – sans déconner, Mediapart, tu pourrais arrêter, POUR L’AMOUR DE DIEU?

Le premier signe de guérison se manifestera un soir où, acceptant enfin son destin provisoire d’étudiante en droit, le sujet dira triomphalement à une de ses amies : “YOU’VE JUST BEEN LAWYERED” (ce que l’on pourrait traduire approximativement par “TU VIENS DE TE FAIRE AVOCATER”, ce qui ne veut rien dire) (pour ceux qui ne regardent pas How I met your mother, apprenez que c’est une phrase qui est dite de façon récurrente par Marshall) (mais si vous ne regardez pas How I met your mother, vous ne savez probablement pas qui est Marshall) (oh, well).

Maintenant, j’ai envie de terminer mon article par une chanson qui lui donne autant d’optimisme qu’un épisode de Glee. ÇA Y EST, J’AI TROUVÉ :


Bon.

Telle le Titanic avant moi, je vais briser la glace : je n’ai pas été acceptée à l’École de Journalisme de Sciences Po.

On ne va pas se mentir, on ne peut pas vraiment dire que j’aie été très contente à l’annonce des résultats (j’étais en train de finir le deuxième tome de Hunger Games en mangeant des Skittles quand ça s’est produit).

Et puis, un peu plus d’une heure plus tard, voilà ce que j’étais en train de faire sur Google Plus :

Feel like a Sir

Ce que j’essaie de vous dire, avec ma moustache et mon monocle et mon haut-de-forme, c’est que ÇA VA ALLER.

John Green a écrit une phrase, dans The Fault in Our Stars (oui, ENCORE ce bouquin, oui), que j’ai dans la tête depuis hier soir: “The world is not a wish-granting factory”. Ce qui veut dire : “Le monde n’est pas une usine à réaliser les vœux”. C’est Augustus qui la dit à Hazel, et elle m’a marquée parce qu’elle vient d’un type qui a eu un cancer et s’est fait amputer d’une jambe et qu’elle est destinée à une fille qui a toujours un cancer et dont les poumons se remplissent d’eau petit à petit. Alors forcément, vu comme ça, cette phrase, elle est un peu ironique (parce que vous pensez bien qu’Hazel, avec ses poumons remplis d’eau, est au courant, que le monde n’est pas une usine à exaucer les vœux).

Aussi, mes chères Morgane et Lucie l’ont eue, elles, alors je propose qu’on les applaudisse comme il se doit.

OH OH il y a autre chose aussi (la littérature américaine contemporaine est décidément pleine de ressources) : je viens de penser au titre d’un bouquin de Joyce Carol Oates que j’ai adoré dès la première fois que je l’ai lu (le titre, le bouquin, lui, est encore dans ma Wishlist Amazon, mais un jour je le lirai, promis): “After the wreck, I picked myself up, spread my wings, and flew away”. Ce qui signifie joliment : “Après l’accident, je me suis relevée, j’ai déployé mes ailes, et je me suis envolée”.

Voilà.