Monthly Archives: November 2011

Battenberg all the way across the sky

J’allais commencer cet article en expliquant que les lundis, vraiment, c’est un concept qui vous laisse aplati comme une carpette sur la moquette tâchée d’une résidence universitaire (la mienne, par exemple), mais mon amie australienne Bridgette vient de poster cette photo (prise aujourd’hui) sur mon mur Facebook, et c’est une preuve que j’ai aussi fait des choses constructives de ma journée :

Si vous voulez tout savoir, j'étais en cours de photojournalisme et je bougeais dans tous les sens pour permettre à Bridgette de tester le mode "sport" de son appareil photo (c'était donc ça ou faire des pompes dans la salle de classe), qui permet de photographier des sujets en mouvement. Et non, vous ne rêvez pas, je porte bien le tee-shirt le plus badass du monde.

C’est d’autant plus opportun que j’avais prévu d’utiliser l’histoire du petit phoque roux comme allégorie du déroulement d’un lundi typique pour moi – je ne sais pas si vous avez suivi l’histoire dite du petit phoque roux. En gros, un reporter du Daily Mail a découvert un bébé phoque roux caché sous des rondins de bois quelque part en Russie, abandonné par sa mère, caché rejeté par sa famille et par les autres phoques au pelage noir, doté de surcroît d’yeux bleus presque aveugles, atteint d’un strabisme divergent qui, à ce niveau là, n’est que la cerise sur le gâteau de la cruauté animale et il faut que j’arrête d’en parler sinon je vais pleurer. Sauf que l’humain, pris d’empathie à l’égard du pauvre chou (après tout, les êtres humains ne sont-ils tous pas tous des phoques informes qui rampent et se tordent dans des montagnes de fange, comme le disait Musset dans ce passage de On ne badine pas avec l’amour que tout le monde citait sur son profil Myspace en 2005?), l’a recueilli dans un zoo, où le petit phoque roux est devenu une star (je l’ai appris aujourd’hui et j’ai été sincèrement rassurée quant au sort de Nashaya – puisque le petit est en fait une petite, baptisée d’après un héros de dessin animé de l’époque soviétique auquel elle ressemble beaucoup).

En un mot comme en cent, donc, et pour en revenir à mon allégorie du lundi : c’est une journée que je commence généralement si stressée et angoissée par la semaine à venir que j’envisage de me rouler dans ma chambre en position fœtale en attendant qu’on vienne me chercher, un peu comme Bella dans la forêt quand elle apprend qu’Edward la quitte :

Et puis ensuite la journée se passe, et je retourne chez moi apaisée et prête à conquérir le monde (ou au moins à faire la vaisselle). Je me sens donc comme ce petit phoque, passant de reclus de la société presque aveugle caché sous des rondins de bois à star de mon zoo.

Bon, cette métaphore n’avait peut-être aucun sens, à la réflexion. Essayons avec des images, ce sera peut-être plus probant. En gros, au cours d’un lundi, je passe de ça :

à ça :

Si vous ne savez pas à quoi ressemble une star de zoo, en voici un bon exemple - Photo aussi trouvée chez le Daily Mail : http://www.dailymail.co.uk/news/article-2066258/Ginger-seal-shunned-colony-star-Russian-zoo.html?ITO=1490

Et la photo du début où je gigote dans tous les sens en cours de photojournalisme au début de cette note peut-être interprétée comme une phase intermédiaire dans mon ascension fulgurante vers la coolitude.

Non, ma métaphore du lundi ne vous plaît toujours pas? Vous en avez marre de parler du lundi? TRÈS BIEN, DANS CE CAS VOILÀ DU WEEKEND BANDE DE TIRE-AU-FLANC !

Vendredi soir, je suis retournée au Winter Wonderland de Hyde Park avec tous mes copains et c’était très bien. J’ai mangé une gaufre au Nutella, un bretzel beaucoup trop salé, et j’ai glissé sur un toboggan géant. Je ne vois pas trop comment la soirée aurait pu mieux se passer, à part si Gordon Ramsay avait décidé de venir me cuisiner mon dîner à mon retour mais ça ce sera pour Noël prochain.

Samedi, j’ai fait un truc que je voulais faire depuis le début de ma 3A : SORTIR DE LONDRES ET VOIR UN PEU DU PAYS. En l’occurrence, je suis allée à Bath avec Suzanne et Bridgette, et c’était fort cool, même si la manœuvre impliquait de passer six heures dans un car contre six heures dix dans Bath. Je suis déjà allée deux fois à Bath, et à chaque fois je ne peux pas m’empêcher de pousser des petits soupirs tellement cette ville est awesome. On a visité les bains romains, que j’avais aussi visités deux fois, mais je crois que je ne m’en lasserai jamais. À la boutique de souvenirs, j’ai trouvé un livre de Harry Potter en latin (Harrius Potter et philosophi lapis) (le saviez-tu? J’ai fait huit ans de latin et la seule perspective d’une déclinaison me fait encore pousser des petits bonds d’excitation) (je sais aussi scander des hexamètres dactyliques, c’est très utile pour monter un meuble Ikea).

Ensuite, on voulait aller prendre un bain (un bain à Bath, duh) au Thermae Spa (j’avais passé le vendredi après-midi à essayer tous les maillots de bain d’Oxford Street dans cette optique, le dernier fut le bon, j’étais donc parée avec mon maillot de bain Marks & Spencer de grand-mère), mais on a rapidement calculé qu’avec le temps d’attente on aurait à peine le temps de se tremper les orteils avant de devoir courir à la gare attraper le car, donc on a abandonné. À la place, on est allé au marché de Noël, et Suzanne et moi avons goûté des mince pies (des tarte aux fruits très British, très Noël).

Ensuite, on a marché à travers toute la ville (ou presque) pour arriver jusqu’au Jane Austen Centre, où on a raté la dernière visite de peu. Je me suis donc contentée d’acheter un sac en tissu marqué “I ❤ Mr. Darcy”. Jane Austen étant ma deuxième grande passion après les déclinaisons de latin, je pense être en position d’affirmer que Bath est une ville qui ME COMPREND.

Aussi, je viens de vivre une intense épiphanie gastronomique après avoir mangé pour la première fois du Battenberg, un gâteau lui aussi très anglais, que j’avais très envie de goûter depuis que je l’ai lu décrit ainsi dans Le bizarre incident du chien pendant la nuit : “a long cake with a square cross section which is divided into equally sized, alternately colored squares” (je ne retrouve pas la citation en français, ne bougez plus, je crois que je viens de toucher aux limites d’Internet). Ce qui, en vrai, donne ça :

De la génoise enrobée dans de la pâte d’amande, on voit mal comment ça pourrait mal tourner, hein? Eh bien effectivement, c’est délicieux. Tellement que je suis presque prête à pardonner les Anglais pour la Marmite, tiens.


Je propose qu’on arrête tous de flipper à cause de la météo.

Pour vous donner une vague idée de l’ambiance qui règne en ce moment, je vous propose une capture d’écran du mot que j’ai laissé samedi soir/dimanche matin très très tôt sur le mur Facebook de Morgane :

Procédons à une rapide analyse iconographique. Que nous indique cette capture d’écran? 1° Que j’ai de l’eczéma, généralement révélateur de stress/réaction au changement de température/réactions allergiques diverses; 2° Que je le soigne avec de la cortisone achetée sans aucune sorte d’ordonnance, juste en faisant un joli sourire à la dame derrière le comptoir.

Jusqu’ici, rien de plus normal. Continuons avec ce mail envoyé par l’administration de l’université à tous les étudiants :

Il s’agit d’un mail pour nous prévenir de la création d’un groupe de soutien à destination des étudiants endeuillés qui ressentent le besoin d’en parler. L’intention est louable, mais personnellement, alors que je ne me pensais pas particulièrement concernée en l’occurence, ça m’a juste rappelé qu’on allait tous mourir un jour. Par extension, ça m’a rendue triste. Bingo.

Heureusement, pour ceux d’entre nous qui seraient vraiment à ramasser à la petite cuillère, l’université pense à tout :

Le “Student Wellbeing Day”, c’est, comme son nom l’indique, un jour consacré au bien-être des étudiants et de leurs petits corps meurtris par l’heure d’hiver et les devoirs de (presque) fin de semestre dont les deadlines continuent de tomber, implacables comme le poing d’un routier ventru écrasant une canette de bière.

En gros on aura des massages gratuits et, pour ceux qui n’auraient pas le temps d’en profiter, on nous donnera des fruits aussi.

Voilà. Tout ça pour dire que l’Anglais, en ce moment, est absolument DÉPRIMÉ par l’hiver, et le froid, et les jours qui raccourcissent. Alors que sincèrement, la météo n’est franchement pas mauvaise, elle est même plutôt cool, puisqu’il fait froid mais beau et que c’est la meilleure météo qu’on puisse espérer en hiver. En plus, il y a des feuilles mortes, des gingerbread lattes au Starbucks, des décorations de Noël, et le Winter Wonderland de Hyde Park vient de faire son apparition alors franchement QUE DEMANDE LE PEUPLE?

Avec le temps que j’ai gagné en ne râlant pas à longueur de journées à propos de la météo, j’ai fait des choses constructives de mon emploi du temps.

Lundi dernier, je suis allée à une représentation du Rock & Roll Politics Show – c’est un débat, en fait, mais sur une scène, dans l’immeuble où sont situés les locaux du Guardian et de l’Observer. J’ai gagné un ticket pour y assister à l’œil – le présentateur du débat, Steve Richards, est aussi le commentateur politique en chef de l’Independent, il est venu à un de mes cours de British Media, on devait préparer une question à lui poser, et il y a eu un prix (une place pour assister au débat, donc) pour les deux meilleures questions, dont, vous l’aurez deviné, la mienne. Inutile de dire qu’encore une fois, ce fut une grande revanche sur mon enfance marquée par des défaites consécutives à des concours divers. Le sujet, c’était le “Blue Labour”, une sorte de mouvement politique à l’intérieur du Parti Travailliste qui, d’après ce que j’ai compris, met l’emphase sur la démocratie participative et sur l’action à l’échelle locale. Parmi les invités, il y avait Rowenna Davis, qui a écrit un bouquin sur le sujet. Ça s’appelle Tangled Up in Blue, ce qui est aussi le titre d’une chanson de Bob Dylan, et donc me la rend fort sympathique.

Mercredi, je suis allée avec Morgane, Suzanne et Bridgette à l’exposition du concours World Press Photo (qui récompense les meilleurs photos de presse de l’année passée), pour notre cours de photojournalisme. C’était très intéressant, et je viens de me rendre compte que les photos sont en ligne ici, je ne peux trop vous conseiller d’aller les voir. Ma préférée, c’est celle avec la mouette, mais dans un souci de sérieux, j’ai décidé de travailler sur celle d’Assange pour le devoir qu’on doit rendre (il me semble que je l’avais vue dans Courrier International cet été).

Jeudi, les astres se sont alignés : Morgane et moi sommes allées voir Beady Eye (le nouveau groupe de Liam Gallagher depuis la séparation d’Oasis) en concert et OH MON DIEU, je me suis pris une claque et c’est rien de le dire. Non attendez en fait j’ai rien dit, c’était pas une claque, juste un océan d’enthousiasme qui s’est déversé goutte à goutte dans mes tympans ravis. Liam Gallagher a une présence absolument incroyable sur scène, et accessoirement il est ABSOLUMENT ADORABLE, on a envie de l’adopter et de lui faire des câlins comme à un bébé lapin (ce qui peut sembler surprenant à propos d’un type dont le passe-temps favori est d’insulter tout le monde dans un anglais absolument inarticulé et incompréhensible mais que voulez-vous, Liam Gallagher est une terre de contrastes).

Vendredi soir, Morgane et moi nous sommes jointes à Bridgette pour aller voir le dernier Twilight (ma vie culturelle, elle aussi, est une terre de contrastes), et ce fut exactement comme je l’avais rêvé : absolument hilarant (parfois c’est fait exprès et parfois pas du tout), gore, et absolument hilarant mais ça je l’ai déjà dit. Oh, et Taylor Lautner enlève sa chemise pendant les dix premières secondes du film, sans exagérer du tout (genre le deuxième plan c’est Taylor Lautner qui enlève sa chemise) (mais que fait-il dans le premier plan? Je ne le dirai pas sinon on va encore dire que je spoile tout le monde). Comme je n’avais vu que le premier film, Morgane me chuchotait des explications au fur et à mesure, au grand déplaisir de mon (inconnue) voisine de droite qui, elle, semblait être dans un état d’esprit totalement différent (je la soupçonne d’avoir versé des larmes sincères à deux ou trois reprises). À un moment, elle nous a demandé d’être plus silencieuse, j’ai dit oui-oui, mais fatalement Robert Pattinson a re-dit une de ses répliques avec l’air de vouloir se pendre tellement il trouve le dialogue niais, et l’hilarité s’est à nouveau emparée de nous.

Samedi, RETOUR À DES CHOSES SÉRIEUSES, avec le Victoria & Albert Museum, où je me suis rendue avec Pierre et Morgane. C’est le plus grand musée d’art et de design du MONDE, et dedans il y a le plus vieux tapis du monde, mais malgré d’intensives recherches, on ne l’a pas trouvé. À la place, on a vu des tapisseries conservées dans une pièce dont le niveau d’oxygène est contrôlé pour détériorer son contenu le moins possible (j’entends par là les tapisseries, pas les visiteurs contenus dans la pièce, bande de petits malins), des costumes de comédies musicales, une exposition spéciale sur Annie Lennox, et une vieille dame qui cognait un peu trop fort sur une des vitrines du musée dans le but de faire coucou à sa petite fille située de l’autre côté de la vitre.

Ensuite, on est allés au Winter Wonderland de Hyde Park, c’est-à-dire un très grand marché de Noël avec des stands de nourriture à profusion, des manèges pour les enfants, et une grande roue. J’avais emmené mon appareil pour m’acquitter d’un de mes devoirs de photographie mais la foule s’est obstinée à gâcher chacune de mes tentatives, je suis donc rentrée bredouille (mais très contente) (et aussi très serrée dans le métro parce que l’autorité qui s’occupe de ça avait eu la bonne idée de fermer ENTIÈREMENT la Victoria Line) (si vous ne voyez pas quelle ligne est la Victoria Line, sachez seulement que c’était très peu pratique).

Et puis samedi soir, j’ai acheté la crème à la cortisone mentionnée au début de cet article, ce qui veut dire que LA BOUCLE EST BOUCLÉE.


Shit I did when I wasn’t there

(Le titre de cet article est sponsorisé par The Bloggess, blogueuse américaine de talent dotée d’une passion – pas si – cachée pour la taxidermie, qui publie chaque semaine des articles intitulés “Shit I did when I wasn’t there”, où elle fait la liste des articles elle a écrit pour d’autres sites que son blog.)

Depuis que je suis arrivée à Londres, je n’ai pas fait que poster des photos de nourriture sur Facebook, j’ai aussi écrit. Voici donc les liens où vous pourrez retrouver deux chefs-d’œuvre qui font ma fierté :

– sur le site de mon université, un article sur le chouette London Hackspace, un endroit où se retrouvent des bricoleurs d’un genre assez particulier, je m’en voudrais de spoiler, tout est expliqué là-dedans : http://www.culsu.co.uk/cityonline/news/index.php?page=article&news_id=283893

– sur le blog HerUni, un article qui, sous prétexte de partager 5 astuces pour rendre la vie en cuisine partagée plus agréable, laisse transparaître ma frustration vis-à-vis de mes kitchen mates : http://www.heruni.com/2011/11/12/five-tips-to-avoid-kitchen-nightmares/

Sinon, j’ai aussi écrit un article pour le journal de mon université (une comparaison entre la mode à Paris et à Londres), et il a bien plu à la rédactrice en chef, du coup j’ai eu droit à une “promo box” sur la couverture. Problème : le journal en question n’est pas encore sorti, ou alors je l’ai loupé, mais ça m’étonnerait, parce que je l’ai guetté avec toute l’anxiété de la sœur Anne qui ne voit rien venir dans Barbe Bleue. Mais bien entendu, dès que le précieux sera entre mes mains, vous m’entendrez piauler de joie depuis l’autre côté de la Manche.


Ce titre aurait du être une citation pleine de philosophie sur les trains.

Je suis dans l’Eurostar depuis à peine cinq minutes. Mon voisin de gauche a déjà perdu tout respect pour moi après que j’ai mangé un carrot cake avec les doigts – je sais pas, moi, quand on me demande de choisir un truc pratique à manger dans un train, je prends un gâteau de quatre centimètres de haut recouvert d’un centimètre de glaçage, et qui fait des miettes en plus (mais ça je n’ai pu m’en rendre compte que trop tard).

De toute façon, je m’en fiche pas mal, de son respect, vu qu’il appartient à l’espèce honnie des voisins de train qui 1° monopolisent l’accoudoir, 2° non contents de monopoliser l’accoudoir, font dépasser leur coude dans l’espace au-dessus de mon siège, où mon torse est censé se situer si vous visualisez la chose, mais j’en suis réduite à me tasser du côté droit de mon siège. Du coup, je me venge en regardant son film par-dessus son épaule – il regarde Attrape-moi si tu peux, un de mes films PRÉFÉRÉS DE TOUS LES TEMPS (Leonardo Di Caprio a volé mon cœur quand mes parents nous ont emmenées, ma sœur et moi, voir Titanic au cinéma. J’avais sept ans).

Aussi, y a un enfant qui braille – c’est QUOI le problème des enfants avec le train ? Rester deux heures et demi assis à bouquiner, on a connu pire, comme destin. C’est pas non plus comme si on leur demandait de conduire le train – ça leur apprendrait la vie, d’ailleurs tout cela ne serait pas en train de se produire si on n’avait pas supprimé le service militaire.

Jean-Marc vient d’annoncer que lui et son collègue Patrice étaient nos managers principaux pour ce voyage, c’est donc sous leur expertise que je vais entreprendre de résumer ce qui s’est passé dans ma vie depuis un peu plus d’une semaine (ouh yeah).

La semaine dernière (pas celle-là, l’autre), c’était la « Reading Week », ce que nos professeurs choisissent d’interpréter comme « semaine où il n’y a pas cours au cours de laquelle les élèves en profitent pour rédiger leurs devoirs », et ce que les étudiants choisissent d’interpréter comme « vacances/pyjama/tourisme ».

Personnellement, j’ai coupé la poire en deux, et, alors que mes copines australiennes allaient visiter qui Paris, qui l’Irlande, je suis restée à Londres pour faire du tourisme et remettre au lendemain la rédaction de mes devoirs – un franc succès.

J’ai exploré Notting Hill avec Morgane et Stéphanie, c’était fort mignon mais on n’a pas croisé Hugh Grant, alors on est allées se consoler à l’Orangery (mais si, rappelez-vous, ce salon de thé dans les jardins de Kensington Palace où j’avais mangé un afternoon tea décadent). Cette fois-ci, j’ai pris un « gâteux au chocolat » – ça me rassure de savoir que je ne suis pas la seule à faire des faux sens malheureux quand je parle une langue étrangère. Ce qu’on n’avait pas anticipé, par contre, c’est que le soleil se coucherait à 17h30, et qu’on ressortirait de là sous un ciel digne des plus belles scènes nocturnes du Roi Lion.

S’en est ensuivi un grand moment d’expérience sociologique sur le thème « Que font quinze inconnus pleins de thé et de gâteau plongés dans un parc que n’éclaire absolument aucun lampadaire et qui du coup se met à ressembler à une espèce de Club Med pour tueurs en série ? ». Personne n’a osé retourner jusqu’au portail par lequel on était arrivés, parce qu’il faisait si noir qu’on n’apercevait même pas le portail en question à moins de deux mètres.

Alors que j’ai senti qu’on atteindrait bientôt le point de non-retour et qu’on se mettrait bientôt tous à pleurer qu’on ne rentrerait jamais chez nous et qu’on ne reverrait plus jamais Dina, comme Alice au Pays des Merveilles quand elle est perdue et qu’il y a des bestioles qui effacent les sentiers qu’elle réussit enfin à trouver, je suis re-rentrée dans l’Orangery pour demander COMMENT FAIRE POUR SORTIR DE LÀ PARCE QU’AU BOUT D’UN MOMENT ÇA VA BIEN. Réponse : « En prenant le même chemin que celui par lequel vous êtes arrivés. Duh. »

Alors je suis ressortie du salon de thé, et là, habitée par l’esprit des guides touristiques et des gourous de secte, je me suis tenue en haut des quelques marches qui me séparaient du reste des gens perdus, j’ai levé les deux bras, ambiance « n’errez plus sans but, je viens vous apporter la lumière », et j’ai expliqué qu’il suffisait de reprendre le même chemin qu’à l’aller. Sauf que c’était plus facile à dire qu’à faire, puisque rappelez-vous, ON N’Y VOYAIT RIEN, au point que Morgane a fait remarquer, assez justement, que les phares des trois vélos qui arrivaient face à nous ressemblaient d’une façon frappante aux lumières d’un OVNI (mais en fait non, c’était bien des vélos).

À part ça, on est aussi allées chez Madame Tussauds,  c’était fort bien, mis à part pour la partie où des gens ont posé à côté de la statut de Hitler en faisant le salut fasciste (j’aimerais tellement être en train d’inventer ça, mais non, je l’ai vu de mes yeux vu).

Ensuite, on est allées chez Harrods, où un MAGASIN HARRY POTTER a fait son apparition. C’est probablement un des endroits les plus cools de la terre. Le vendeur portait l’uniforme de Poudlard (baguette incluse), et quand on est arrivées, il était en train d’essayer de faire « disparaître » une canette de Coca. Comme ça n’a pas marché, il a expliqué que sa baguette en question n’avait plus beaucoup de batterie. C’est là que j’ai compris qu’on était parties pour des heures de fun.

En plus de vendre plein de goodies Harry Potter, ils exposent des objets venus directement du tournage des films, comme des baguettes ou des costumes. Le vendeur en question a donc interrogé une cliente pour lui faire deviner à qui appartenait chaque baguette – c’est là que j’ai compris que je voulais emménager ici et y passer le restant de mes jours.

J’ai essayé un masque de Voldemort et à l’intérieur, ça sentait le caramel (la vie est pleine de surprises), et aussi, j’ai appris que pour les cinq premiers clients dépensant 40 livres dans le magasin Harry Potter, Harrods offrait des DOBBYS TRICOTÉS. SANS BLAGUE.


Aussi, pendant la Reading Week, il y a eu le 5 novembre, alias Guy Fawkes Night. Point Wikipédia : Guy Fawkes Night est la célébration d’une tentative échouée d’attentat contre le Parlement en 1604 – attentat qui devait être perpétré par Guy Fawkes, donc. D’ailleurs, c’est la tête de Guy Fawkes qu’on voit sur les masques des Anonymous (qui ont fait courir la rumeur qu’ils allaient faire péter Facebook pour l’occasion si j’ai tout bien compris, mais en fait c’était une blague, hinhinhin).

Guy Fawkes Night, c’est avant tout la nuit où tout Londres fait péter des feux d’artifices – alors on est allées dans Southwark Park en voir un, et c’était TROCOOL. On se serait un peu crues à un festival de musique type Rock en Seine, sauf qu’on était là pour voir des étincelles dans le ciel. Il y avait une baraque à hot dogs devant laquelle on a fait la queue avant, pendant et après le feu d’artifice (pas parce qu’on a mangé trois hot dogs chacune, mais parce qu’il y avait beaucoup de monde et qu’on a du attendre longtemps). Aussi, pendant le feu d’artifice, ils ont passé de la musique, qui pour la plupart n’avait ABSOLUMENT RIEN À VOIR avec ce qui était en train de se passer (imaginez-vous en train de pousser des soupirs d’admiration devant un feu d’artifice tout en dodelinant de la tête sur un air de reggae), mais à la fin les organisateurs ont du tilter que quelque chose clochait, et ils ont passé Firework de Katy Perry – on peut difficilement faire plus approprié.

(Je ne vois pas comment je pourrais surpasser Katy et sa poitrine de pyromane – si vous avez été trop paresseux pour regarder le clip, sachez que ceci n’est pas une allusion déplacée, sa poitrine lance vraiment des feux d’artifice dans la vidéo- alors j’arrête ici cet article, humblement).


I’m on fire

Bonjour, aujourd’hui il m’est arrivé un truc parfaitement absurde.

J’étais censée rejoindre à 14h30 mes deux acolytes, Morgane et Stéphanie, à Camden. Peu avant cela, Morgane m’a envoyé un texto disant qu’elles auraient du retard, aussi je ne suis partie de chez moi qu’à 14h15, prévoyant d’arriver à 14h45 au plus tard.

Tout aurait du être parfait.

Si seulement mes chaussettes avaient été sèches ce matin.

Voyez-vous, je m’interdis d’utiliser les sèches-linge de la laverie de mon hall universitaire. C’est contre ma religion, un point c’est tout. Alors, deux jours après mon arrivée à Londres, j’ai acheté un étendoir fort pratique qui, plié, prend autant de place qu’un mouchoir de poche, mais qui, une fois déplié, permettrait d’accrocher le petit linge de toute la résidence (j’exagère à peine) (pour autant, il peine parfois à accueillir ma fournée hebdomadaire de vêtements) (j’ai tendance à attendre le dernier moment pour faire ma lessive alors forcément je lave presque toute ma garde-robe d’un coup).

En général, je place l’étendoir en face du radiateur, pour que mes affaires sèchent mieux. Sauf que cette nuit, le radiateur était éteint, alors ce matin, mes chaussettes étaient encore mouillées.

J’ai allumé le radiateur à fond, et je les ai posées dessus, pour qu’elles sèchent plus vite. Mais quand est arrivée l’heure où je devais vraiment partir, elles n’étaient toujours pas sèches, alors j’ai raclé le fond de mon tiroir, j’en ai trouvé une autre paire, et je suis partie.

C’est dans le métro, à une station de chez moi, que j’ai subitement relevé la tête de mon livre, avec en tête cette unique interrogation :

Avais-je bien retiré les chaussettes de mon radiateur avant de partir?

J’ai cogité, cogité, cogité. J’étais sûre à 70% de les avoir enlevées. Restaient seulement 30%, mais 30% plutôt menaçants si l’on considère qu’ils signifiaient la perte potentielle de tous mes biens (ainsi qu’un procès de la part du management de la résidence, accessoirement). Mon métro s’est arrêté à King’s Cross. J’ai hésité à descendre. Il est reparti. J’étais toujours dedans.

Je suis arrivée à Camden, les filles n’étaient pas là. Pour essayer d’estimer si je prenais vraiment un risque, j’ai cherché “vêtements radiateur” sur Google (car c’était la chose rationnelle à faire).

Le cinquième résultat de recherche était : “Les vêtements sur le radiateur ont pris feu – Une mère et ses deux enfants âgés de 5 et 6 ans ont tout perdu en ce début d’année à Saint-Quentin en Haute-Picardie”. J’ai envoyé un texto à Morgane pour lui dire que je serais très en retard mais qu’il fallait absolument que je repasse chez moi, là.

J’ai repris le métro. Arrivée à ma station, j’ai entrepris de monter les escalators à pied – il faut savoir que ma station possède l’un des trois escalators les plus longs d’Europe. Je suis arrivée au sommet, le souffle court et la cuisse en feu, après avoir doublé au pas de course une fille qui avait bravement entrepris l’ascension à un rythme plus raisonnable.

Je suis arrivée à ma résidence, pas d’odeur de brûlé, pas de sirène de pompiers. Je suis entrée dans ma chambre. Pas de chaussettes sur le radiateur.

J’avais bien retiré cette fichue paire de chaussettes de dessus le radiateur. Elle pendouillait, innocemment, sur l’étendoir.

En revanche, j’ai quand même bien fait de repasser chez moi.

J’avais laissé la fenêtre ouverte.


Happy Halloween !

(Le titre de cet article est sponsorisé par le cercle des Gens Qui Écrivent des Titres Sans Aucune Originalité).

Le soir du 28 octobre, alors que j’étais en train de faire ma vaisselle dans la cuisine commune de mon hall universitaire, mon voisin Américain (un personnage fort sympathique et fort protéiné qui semble ne se nourrir que de lait, d’œufs et de bacon) m’a demandé ce que j’allais faire pour Halloween (réponse : “Euh ben je sais pas trop sans doute quelque chose enfin sans doute pas rien hein.”). Lorsqu’il est ressorti de sa chambre, dix minutes plus tard, dans un fort élégant costume de Bert, le personnage de Sesame Street doté d’un impressionnant monosourcil, j’ai compris qu’il allait falloir que je me bouge pour passer un Halloween de 3A qui vaille la peine d’être raconté.

Je vous présente Bert de Sesame Street et son monosourcil.

Sauf que je n’ai pas eu à me bouger, puisque dès le lendemain matin, Morgane, comme si elle avait lu dans mes pensées, a annoncé sur Facebook qu’elle allait à une fête d’Halloween sur un bateau avec sa copine Maureen et que si on (et par “on” j’entends la communauté des étudiants en échange à City University) voulait venir aussi, on était les bienvenus.

Ni une ni deux, j’ai dit oui.

Sauf qu’il fallait être déguisé, sinon on pouvait pas rentrer sur le bateau (enfin ça, c’était ce qu’il y avait marqué dans l’event Facebook, mais on s’est rendu compte plus tard dans la soirée que ce qu’il y avait marqué dans l’event Facebook était un peu exagéré, en fait).

J’ai écumé en urgence le rayon Halloween de mon Sainsbury’s local, mais les gérants du magasin semblent avoir une conception saugrenue d’Halloween selon laquelle les enfants sont les seuls à vouloir se déguiser en sorcières ce jour là et à porter des chapeaux pointus, alors que merde quoi, c’est un plaisir qui ne devrait pas se cogner à la frontière de l’âge.

Alors je me suis réfugiée dans une autre boutique du quartier (qui répond au doux nom de Ze-be-dee), où j’ai déniché un chapeau de sorcière orange avec des toiles d’araignée dorées et des collants avec des toiles d’araignée dessus, l’assemblage des deux étant du plus bel effet.

Pour le 20ème Halloween consécutif, j’ai donc été déguisée en sorcière.

Le soir venu, j’ai enfilé mes collants toile d’araignée par-dessus des collants normaux (c’était des collants mousse complètement merdiques, du coup j’osais pas trop tirer dessus, du coup ça m’a bien pris un quart d’heure de les enfiler totalement), j’ai mis une robe noire et un collier-hibou en plumes (je sais, ça fait super peur), j’ai fait un nail art d’Halloween so blogueuse mode (du vernis orange avec du top-coat noir craquelé par-dessus, si vous voulez tout savoir), j’ai coiffé mon chapeau de sorcière et roulez jeunesse.

Je franchis donc le cap de la première photo de nail art publiée sur ce blog.

Sauf que comme ma tête était trop grosse pour mon chapeau de sorcière (ça me fait ça avec globalement tous les chapeaux, et ma tête, c’est comme une opération des seins qui aurait réussi, à première vue on voit pas qu’elle est si grosse que ça mais quand on y regarde de plus près, on prend pleine conscience de son diamètre), j’ai du élaborer un système fort alambiqué à base de deux pinces à cheveux perçant le tissu du chapeau pour le fixer à mes cheveux, et par extension, à ma tête (à ma grande surprise, ça a vachement bien fonctionné, et par moments on aurait juré que mon chapeau lévitait comme par magie en proche vicinalité de mon crâne).

C’est à dix pas de chez moi que j’ai fait le constat qui allait me suivre toute la soirée : l’Anglais a du mal avec le concept de chapeau de sorcière, plus particulièrement avec la règle qui veut que ce concept soit destiné à rester sur ta tête. C’est-à-dire que je n’étais pas sortie depuis plus de cinq minutes, que je me faisais déjà arrêter (voire, disons-le carrément, barrer la route, dans le plus pur style  du dresseur Pokemon au bord du chemin qui veut absolument te provoquer en duel alors que soyons francs, il a peu de chances de vaincre ton Pikachu surentraîné niveau 150 avec ses deux Ratata et son Roocool fraîchement capturés, et tout le monde sait déjà que tu vas finir par le battre et conséquemment lui rafler son argent de poche mais je m’égare) par trois gamins qui avaient l’air un peu trop alcoolisés pour leur âge et pour l’heure, pas si tardive que ça (il devait être 20h20, quoi). L’un deux a dit : “Hey Darling, can I try on your hat?”. Je me suis lancée dans une explication confuse et clairement trop compliquée pour les circonstances, à base de “Non, parce qu’il est fixé à mes cheveux parce que tu vois déjà quand j’étais petite les chapeaux de ma mère m’allaient…”. Le jeune bourrin n’en a eu que faire et, alors que je m’éloignais, a tenté de l’arracher de ma tête, ne réussissant qu’à saisir une fine mèche de mes cheveux au passage.

Non mais c’est vrai quoi, le culot des gens qui osent porter des chapeaux de sorcière le soir d’Halloween, non franchement, ils méritent bien qu’on les embête un peu.

Dans le métro, j’étais loin d’être la seule à être déguisée, et c’était franchement sympa. J’étais plongée dans Grazia (les sorcières aussi ont besoin de leur dose hebdomadaire de presse féminine) quand j’ai vu une jupe en tulle avec deux ballerines au bout s’asseoir à côté de moi. Deux stations plus tard, la jupe en tulle a dit “Clémence?!”. En fait, la jupe c’était Morgane, qui s’était retrouvée assise dans le même métro que moi, dans le siège à côté du mien, par l’effet d’un algorithme mystérieux qui régit les déplacements des personnes en zone urbaine.

Ensuite on a retrouvé Maureen, qui avait eu la très brillante idée d’apporter des bonbons, et après quelques hésitations, on a fini par localiser la Tamise et le bateau sur lequel se déroulait la fête.

C’est là qu’on s’est rendu compte qu’il y avait une légère inadéquation entre ce que promettait l’event Facebook et la réalité. Sur Facebook, la fête allait avoir lieu sur une péniche, y aurait du monde, des déguisements et de la folie, et il fallait répondre “attending” pour être sur la liste sinon on pourrait pas rentrer gratuitement.

En réalité, deux types (probablement les organisateurs de la fête) nous ont pratiquement suppliées d’entrer, on n’a pas vu l’ombre d’une liste, en revanche à l’intérieur il y avait bel et bien beaucoup de gens.

On a réussi à s’approcher du bar (j’ai commandé une pinte de Magner’s, du cidre irlandais si je ne me trompe pas), et finalement on est allées se poser à l’extérieur du bateau, sur le pont, et on a passé une soirée délicieuse à discuter, assises sur des tabourets en bois, à manger des bonbons et à boire du cidre. En plus, on avait une vue nocturne et vraiment belle sur les bords de la Tamise, Big Ben et le London Eye, et c’était vraiment chouette.

Sauf qu’à un moment donné, le syndrome dit de “l’Anglais qui ne comprend pas que ce chapeau de sorcière est vraiment destiné à rester sur ta tête” s’est à nouveau manifesté. C’est-à-dire que j’ai senti mon chapeau se soulever de ma tête subitement (et la présence de mon système élaboré de pinces à cheveux attachant la chose à mon cuir chevelu n’en a rendu l’expérience que plus déplaisante), je me suis retournée, et j’ai vu mon chapeau dans les mains d’un type assis derrière moi.

Alors, j’ai convoqué un de mes super-pouvoirs, qui se manifeste à intervalles irréguliers depuis quelques années (c’est un pouvoir un peu instable que je ne peux pas utiliser comme je veux, un peu comme Sookie avec *spoiler alert* ses pouvoirs de fée dans True Blood). Il s’agit d’un regard très particulier, aux vertus similaires à celles des Détraqueurs dans Harry Potter – un regard qui te vide de toute énergie vitale, annihile ta volonté, et surtout, fait irrémédiablement plier autrui sous le poids de ma volonté. J’ai fait ce regard, donc, j’ai tendu la main, et j’ai dit “Give it back”.

Et juste comme ça, le mec a arrêté de sourire, et il m’a tendu mon chapeau, l’air lobotomisé.

Un vrai Jedi mind trick, vous dis-je.

Sur le chemin du retour, j’ai trouvé le moyen de prendre mon métro dans le mauvais sens (C’EST PAS MOI C’EST LES TRANSPORTS) (sans déconner, j’avais le changement le plus mal indiqué du monde, je refuse d’endosser une quelconque responsabilité et encore plus d’assumer les conséquences de cet échec), et quand je me suis mise en quête du train qui allait dans le bon sens, un agent m’a informée d’un ton décontracté qu’il y en aurait un dans pas moins de vingt minutes. VINGT MINUTES. POUR UN SIMPLE MÉTRO. SUR UNE LIGNE OÙ IL Y A BEAUCOUP DE PASSAGES. LE SAMEDI PRÉCÉDANT HALLOWEEN.

On marchait sur la tête, c’était rien de le dire.

Alors, je suis allée sur le quai relire Grazia, me félicitant d’avoir laissé quelques articles de côté pendant la première partie de soirée. Ne désirant pas attendre en vain vingt minutes sur un quai de métro, vêtue de collants-toile d’araignée, j’ai tenté de me renseigner auprès des gens qui attendaient sur le même quai pour vérifier qu’ils avaient compris comme moi et que ce métro allait bien dans la bonne direction.

Eh bien, PERSONNE NE SAVAIT. Et au bout de deux tentatives infructueuses, je me suis un peu demandé ce qu’ils faisaient, là, tous, à attendre vingt minutes un métro dont ils ignoraient visiblement tout de la direction, à minuit trente qui plus est.

J’aurais pu m’énerver si la protagoniste de mon trajet du retour n’avait pas fait son apparition à ce moment-là.

Depuis quelques minutes, j’observais en coin cette fille à ma gauche, qui avait des paillettes et de l’eye-liner sur les paupières, et qui venait de retoucher son blush avant de remettre son poudrier et son pinceau dans un gros sac à dos (les gens qui se maquillent m’hypnotisent). Une touriste s’est approchée et lui a demandé dans un anglais approximatif si ce train allait bien dans telle direction, et comme Tessa (elle m’a dit son nom quelques minutes plus tard) ne savait pas (comme tout le monde sur ce quai à part moi, visiblement), je suis intervenue. C’est comme ça que Tessa a commencé à me parler.

Elle a dit qu’elle allait faire la fête, mais qu’elle n’allait pas fêter Halloween. Elle m’a demandé si moi je le fêtais, puis elle a vu mes collants, et elle a dit, “Oh, of course you are!”.

Puis, elle a dit que quitte à nous faire attendre aussi longtemps pour un métro, “ils” (la compagnie de métro, quoi, dont j’ignore le nom) feraient aussi bien de nous donner du thé et des gâteaux. Évidemment, j’ai trouvé que c’était une idée formidable, et elle a dit : “I want a pastry ! Croissant, please !”. Sauf qu’elle l’a dit un peu trop fort pour que les gens ne se rendent compte de rien.

Elle avait les lèvres à moitié colorées en rouge (je l’avais interrompue dans sa séance de maquillage, et elle ne pouvait pas finir de l’appliquer tout en parlant), et elle m’a dit que son crayon, qu’elle avait acheté il y a des années, n’était pas un crayon pour les lèvres mais bien pour les yeux, ce qui est absurde, parce que qui va se mettre du crayon rouge sous les yeux? J’étais assez d’accord pour dire que c’était étrange. On a essayé de trouver une décennie au cours de laquelle ç’aurait pu être la mode, et j’ai dit que c’était sûrement les années 90, puisque “everything happened in the nineties” (“Tout s’est produit dans les années 90.”).

Ensuite, elle s’est lancée dans une analyse détaillée de deux publicités affichées en face de nous, l’une pour un jeu d’ordinateur, l’autre pour des chaussures de marche. Sur les deux affiches, il y avait de la neige, ce qui l’a poussée à constater : “Both are very alike. What’s the difference between them?” (“Les deux se ressemblent beaucoup. Quelle est la différence entre les deux?”). Après une minute d’intense réflexion, elle a dit : “Ooooh, that one’s for a computer game, and that one’s for hiking boots!” (“Ooooh, celle-ci est une pub pour un jeu d’ordinateur, alors que celle-là est une pub pour des chaussures de marche!”). Quelque part, deux entreprises ont payé très cher des experts en communication visuelle pour que les gens puissent comprendre ça en quelques millisecondes,  et ils seraient bien attrapés de savoir qu’il existe des gens comme Tessa pour se lancer dans une analyse graphique détaillée avant d’en arriver à cette conclusion.

Ensuite, elle a dit qu’elle adorerait avoir une paire de chaussures de marche comme ça, surtout avec des chaussettes bien chaudes comme sur la pub, et qu’ils avaient bien mis de la neige en arrière-plan, pas du gris, comme ça on se rendait bien compte que la marche était faisable, que ce ne serait pas trop difficile. Elle a aussi dit qu’elle pensait sans doute que la pub de gauche (celle pour le jeu vidéo) plairait plus à un homme, elle s’est demandé si c’était sexiste de dire ça, elle a ajouté que les femmes étaient plus dans l’instant, dans le ressenti, plus sensuelles, et plein de choses qu’une conseillère en langage corporel avisé comme Raphaëlle Ricci aurait elle-même pu dire.

Quand elle a appris que je venais de Paris, Tessa était ravie : elle y est allée trois fois, et elle a adoré la ville. En fait, elle a même déménagé à Paris dans sa tête pendant trois mois (je vous jure qu’elle l’a formulée comme ça, de cette façon si poétique et si adorable : “I moved to Paris in my head for three months, but it just never happened”) mais le projet n’a jamais abouti.

Vingt minutes plus tard, le métro est arrivée, et on est montées toutes les deux dedans. Elle m’a dit qu’elle avait bu deux verres de vin rouge et que ça la rendait pompette (je crois qu’on peut dire d’une façon assez juste qu’effectivement, elle semblait pompette). Je lui ai demandé ce qu’elle faisait (moi-même, sur le quai, je lui avais raconté un peu ma vie, que je suis étudiante en journalisme, en échange pour un an, tout ça tout ça), et elle m’a répondu qu’elle était actrice. Ça m’a coupé la chique : d’un côté, c’est une réponse surprenante (ou en tout cas, ce n’est pas la première chose qu’on pense entendre quand on demande à un inconnu du métro ce qu’il/elle fait dans la vie), et d’un autre côté, ça expliquait tellement de choses par rapport à sa personnalité que je me suis demandé comment j’avais pu ne pas y penser plus tôt.

Quand est arrivée sa station, elle m’a donné une accolade et elle m’a fait une bise (Tessa vient du Yorkshire, et elle a eu l’air surpris quand je lui ai dit que je trouvais les Londoniens sympathiques – j’ai compris pourquoi à ce moment là), puis, au moment de descendre du wagon, elle s’est arrêtée, m’a fait un signe, et s’est exclamée : “Nice to meet you babe, take care, bye!”. Pendant que je m’emmêlais les pinceaux en essayant de formuler une réponse aussi gentille que ce qu’elle venait de dire, un type a dit d’une façon un peu ironique : “Bye.” et j’aurais préféré qu’il s’abstienne. Tessa ne s’est pas démontée, et alors que le métro repartait vers d’autres horizons (genre, ma station), elle est apparue derrière la vitre pour me faire un dernier coucou.

D’habitude, je déteste parler aux inconnus dans le métro. En fait, je déteste parler aux inconnus en général, pour la simple et bonne raison que la vie n’est pas un film français contemporain et qu’au lieu de vous raconter une anecdote qui va changer le cours de votre vie et vous rendre un peu plus humain, les inconnues dans la rue disent souvent des conneries, au mieux inintéressantes, au pire, teintées de bouffée délirante. La dernière fois que j’ai répondu poliment à un inconnu ayant visiblement exprimé la volonté de s’exprimer, j’étais à la terrasse d’un Starbucks, et s’en est ensuivi un long monologue à propos de l’État qui lui avait volé son royaume, de sa mère qui s’était constituée son épouse pour sauver ses parts, et surtout (thème récurrent) des “mecs qui s’enc*lent derrière chez TF1” (c’est bien connu) (mon mec et les amis qui étaient avec moi ce soir s’en souviennent sans doute).

Malgré cet historique peu concluant en ce qui concerne mes conversations avec des inconnus dans la rue, je ne regrette pas du tout d’avoir parlé à Tessa dans le métro.

Oh, et en point bonus, j’ai croisé une citrouille sur le chemin entre la station de métro et mon hall universitaire !